Lorsque l’on regarde une photographie de Helder Vinagre, on pense immanquablement à celles d’Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Willy Ronis, Brassaï¯ ou Boubat, à ce que l’on qualifiera par la suite de «photographie humaniste». Il revendique lui-même cette filiation, cette vision lyrique et universelle de l’homme qui est si présente dans l’oeuvre de ses aînés. Toutefois, si l’ensemble de ses réalisations, dont cet ouvrage ne donne qu’un aperçu, atteste de cette continuité d’esprit, il se démarque par une approche manifestement personnelle. Helder Vinagre donne à l’acte photographique une dimension qui n’est pas une simple actualisation de la photographie de rue telle qu’elle fut pratiquée. Sa démarche est d’abord singulière face au paradoxe qu’il y a dans la société contemporaine, celle de la consommation d’image et qui prône le «droit à l’image». Comme l’écrit Philippe Valldemosa : «Aujourd’hui le photographe humaniste ne peut plus travailler comme d’autres l’ont fait. Il est en permanence menacé par le droit à l’image». Alors que l’instantané devient «photo volée», Helder Vinagre se distingue en cela qu’il donne plus qu’il ne prend. Prend-t-il même un cliché comme le ferait un adepte de la « street photography » ? Nous dirions plutôt qu’il fait une image, qu’il donne à voir ce que nous ne savons pas voir ou plus voir. De cet environnement qui est le sien, ces quartiers de Paris auquel il est si attaché, il donne une vision de la banalité qui se change en esthétique du quotidien. Pour reprendre les mots de Philippe Valldemosa : «Il ne s’agit pas de voler mais de retenir une lumière, un regard, un geste, une émotion.» C’est ainsi que par le choix des situations et des cadrages, l’image acquiert une dimension humaine et touche. Le photographe instaure une relation de proximité physique à la prise de vue n’hésitant pas à approcher son sujet jusqu’à engager parfois le dialogue. Le parisien pressé peut enfin arrêter sa course un instant comme nous arrêtons ensuite nos regards sur ces tirages en noir et blanc qui sont aussi sa marque. Il donne une couleur au gris urbain tant les tonalités parviennent à donner vie à l’image. L’espace se révèle dans toutes ses dimensions et Paris nous livre son charme intemporel. Il se définit lui-même comme « arpenteur de rue ». Nous ajouterons que Helder Vinagre tient une place d’importance entre « photographie humaniste » et « street photography », qu’il est avant tout un photographe authentique, généreux et talentueux. Loïc Guston |